Nieobecne

(Absences)

Installation photographique

20 tirages argentiques noir et blanc

papier mat 18×24 cm

Composition de photographies argentiques

tirées sur fragments de briques

dimensions variables

2019


L’installation photographique Nieobecne est le fruit de mes déambulations et réflexions spécifiques à la ville de Gdansk et son histoire. Ville libre, allemande puis soviétique, elle a également joué un rôle déterminant dans la chute du mur après la révolte menée par Solidarnosc. Forte d’une mémoire riche mais traumatique, la ville m’a fasciné par son architecture et la façon dont cette dernière évolue encore aujourd’hui : Les ruines côtoient des bâtisses ultra modernes, de faux immeubles d’époque se fondent aux églises centenaires. Je me figure Gdansk comme un corps qui cicatrise au travers de ses constructions, reconstructions et déconstructions.

Je pense que les pierres sont, en quelque sorte, vivantes. Je me les figure comme de petites cellules venant construire la chair de la cité dont les bâtisses seraient les organes. Elles sont témoins silencieux des meurtrissures de l’histoire et en portent les séquelles. J’ai donc collecté des fragments de briques rouges sur tout le territoire urbain, éléments classiques de construction que l’on retrouve presque partout dans la ville, tous quartiers confondus. J’ai également mené un travail de prise de vue photographique en recherchant des lieux en suspens, le plus souvent abandonnés, laissés là dans le paysage comme des apparitions. A la fois vidés de leurs sens et encore présents, ces lieux semblent figés dans un espace et un temps à part et sont autant de preuves des événements passés. Mais cet état reste éphémère. Chacun de ces espaces est voué à retrouver un sens concret dans la ville moderne ; en étant détruit pour être remplacé ou bien rénové. Ces petits indices vont ainsi disparaître, effaçant une partie de la mémoire collective comme les pertes de mémoire que chacun peut ressentir à son échelle.

La pièce se présente donc en deux faces qui dialoguent entre elles : l’une, ordonnée, photographies classiques auxquelles il manque des morceaux. Et l’autre, désordonnée, présentant ces fragments manquants, et d’autres perdus, sur des briques, imprimés grâce à l’utilisation de solution photosensible. La solution réagit à son support. Plus la pierre est abîmée, plus l’image le sera, plus la pierre est poreuse, plus l’image est absorbée par cette dernière, ne devenant plus qu’un spectre latent, presque invisible à l’œil.

La mémoire est défaillante, elle efface certains souvenirs et n’en conserve d’autres que partiellement. C’est aussi en oubliant que l’on risque de voir se répéter des situations tragiques comme si l’histoire n’était qu’un cycle.

*Ce travail est une partie d’un projet mené autour de l’ex-URSS : Née en 1988, je fais partie de la première génération à ne pas connaître une Europe et un monde divisé en deux. J’ai pu traverser les frontières de ces pays autrefois interdits sans encombres contrairement à mes parents et mes grand-parents. Dans ce projet à long terme, amorcé en 2018, je cherche a fouler le sol des lieux qui ont permis la réunification du continent, des endroits où la population s’est soulevée contre le régime communiste en place et grâce auxquels je peux aujourd’hui m’y déplacer librement. Alors que le spectre de l’empire soviétique plane encore à l’Est, que reste-t-il de cette période historique tombée il y a plus de trente ans ?

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